Lusignan et la Fée Mélusine

Il était une fois...

Mais cette fortune, ne la devaient-ils pas à leur aïeule, Mélusine, la fée bâtisseuse qui avait érigé Lusignan en une nuit disait-on. Oui mais voilà, il y avait une condition des plus importantes à cette abondance de richesses et d’honneurs ; son mari Raymondin avait dû promettre de ne jamais chercher à la voir le samedi. Mais un jour, poussé par la curiosité et par un entourage jaloux, le pauvre Raymondin renia sa parole en espionnant sa femme alors qu’elle prenait son bain. La découverte de la transformation de Mélusine en femme-serpent l’effondra mais elle fit aussi disparaître cette dernière, jetant ainsi un sort sur la lignée des Lusignan qui ne devait pas pouvoir se perpétuer après la treizième génération.  

La Légende de Mélusine

Alors qu’il se promenait dans la forêt, Elias roi d’Albanie, rencontra une merveilleuse inconnue...

Elle s’appelait Pressine et sa beauté était telle qu’aussitôt Elinas tomba éperdument amoureux. La jeune femme accepta bientôt d’épouser le roi mais à condition que celui-ci promette de ne jamais le voir pendant ses couches. Elinas promet et pendant quelques temps, les jeunes époux vont connaître le bonheur.

Mais un jour, le roi trahit son serment. La fée Pressine regagne alors l’île d’Avalon avec Mélusine, Mélior et Palestine, ses trois filles nouvelles-nées. Devenues grandes, les trois sœurs apprennent la trahison de leur père. Pour venger leur mère, elles enferment Elinas au cœur de la montagne de Brumbloremlion. Découvrant cela, Pressine punit ses filles. Mélusine est condamnée à se transformer tous les samedis en serpente « du nombril en aval » et ne pourra échapper à ce sortilège que si un mortel accepte de l’épouser sans jamais chercher à la voir le jour de sa métamorphose. Mélior gardera un épervier merveilleux dans un château d’Arménie. Palestine enfin, sera enfermée avec le trésor de son père dans le mont Canigou, jusqu’à ce qu’un chevalier parvienne à la délivrer.

Pendant ce temps, loin d’Avalon, un jeune homme s’apprête à connaître un destin extraordinaire.

Il se nomme Raymondin et vit à la cour de son oncle le Comte Aymeri de Poitiers. Au cours d’une chasse au sanglier, le jeune homme tue son oncle accidentellement. Ce dernier avait lu dans les astres, juste avant de mourir, que le vassal qui tuerait ce soir-là son suzerain serait le fondateur du plus glorieux des lignages.

La Prophétie d’Aymeri ne tardera pas à se réaliser. Après l’accident, Raymondin ne sait que faire ; il erre, désemparé, dans la forêt de Coulombiers. Soudain, il rencontre à la fontaine de la Soif, une jeune femme d’une merveilleuse beauté. La belle inconnue lui offre sa main, la richesse et une magnifique prospérité aussi longtemps qu’il respectera un interdit : jamais il ne devra chercher à la voir le samedi.

Grâce à ce dernier élément, la dame de la fontaine est sans peine identifiée à Mélusine. Raymondin accepte l’offre et devient dès lors le plus puissant seigneur du Poitou. Il règne sur la forteresse de Lusignan et sur d’autres châteaux construits par sa fabuleuse épouse.

Il est également le père de dix fils. Mais ses enfants, issus d’une fée et d’un mortel, sont affligés d’une tare, rappel de leur appartenance à l’Autre Monde. Urien, l’aîné, a le visage court et large, un œil rouge et l’autre perse, et de gigantesques oreilles. Eudes a une oreille plus grande que l’autre. Gouyon a un œil plus haut que l’autre. Antoine porte sur la joue une patte de lion. Renaud n’a qu’un œil. Fromont a une petite tache velue sur le nez. Horrible a trois yeux. Enfin, de la bouche de Geoffroy, le plus illustre des dix frères, saille une terrifiante dent de sanglier. Seuls les deux derniers fils, Thierry et Raymonnet semblent être tout-à-fait normaux. Urien et Guyon deviennent respectivement roi de Chypre et roi d’Arménie. Antoine et Renaud, duc de Luxembourg et roi de Bohème. Eudes comte de la Marche. Geoffroy, seigneur de Lusignan après la mort de son père. Thierry et Raymonnet, seigneur de Parthenay et comte de Forez. Fromont devient moine. Des dix fils de la fée, seul Horrible ne peut s’intégrer à la société des hommes : sur l’ordre de sa mère, il sera tué.
Raymondin est comblé, il possède puissance, richesse et prospérité. Un jour, pourtant, il transgresse l’interdit. En effet, son frère parvient à le persuader que Mélusine doit profiter de ses samedis pour le tromper ou se livrer à quelques pratiques diaboliques. Inquiet, il perce un trou dans le mur et surprend son épouse prenant son bain à moitié serpent. Désespéré, il garde le silence pour ne pas perdre la fée. Un peu plus tard, cependant, apprenant que Geoffroy a brûlé l’abbaye de Maillezais, tuant ainsi son frère Fromont, Raymondin maudit son épouse. Il l’accuse publiquement d’être une « très fausse serpente ».

Le secret est dévoilé, Mélusine doit regagner l’Autre Monde.

Transformée en dragon, elle s’envole. Du monde des Hommes, il ne lui reste que le souvenir d’une courte vie de bonheur. À jamais, elle survolera les tours de Lusignan. Déchirant l’éternité, son cri annoncera la mort.

Texte de Christine BONNET
Association Les Lusignan et Mélusine

Dessin de John RABOU (Wonderwezens)